Contrairement à l’annonce par la Friedrich Ebert Stiftung (FES) et la rédaction de la revue Politika, la conférence-débat prévue hier 26 septembre n’a pas eu lieu à la demande officielle des autorités étatiques malgaches. Néanmoins la FES et les responsables de la rédaction de la revue Politika –dont le rédacteur en chef Raoto Andriamanambe ont tenu à présenter leurs excuses au public et à tous ceux qui ont de près ou de loin apporté leur appui et encouragement dans le projet dont les résultats devaient être publiés lors de ce rendez-vous raté car interdit tout simplement par un Etat qui a peur des conséquences que pourraient engendrer les résultats d’un sondage sur la présidentielle du 7 novembre prochain.
La revue Politika et la FES devaient en effet présenter dans le débat politique chiffré sur la présidentielle 2018, les résultats d’un sondage qu’ils ont fait faire par une agence certifié ISO et de renom international à l’instar d’autres agences pour ne citer que l’agence IPSOS.
Quand on connaît la pertinence et la qualité des travaux diligentés par la FES qui est pour beaucoup de politiciens et citoyens -jeunes et vieux, une référence, un œil critique et vigilant dans l’observation en matière de démocratie et de gouvernance et de redevabilité, l’interdiction et la mise en garde de l’État est incompréhensible.
« Nous prenons acte des « vives préoccupations quant à la publication de chiffres ou de quelconque résultat de sondages d’opinions » et des impératifs liés à la « sauvegarde de l’ordre public, de la dignité nationale et de la sécurité d’État » qui nous ont été signifiés officiellement », précisent les initiateurs de ce débat-politique chiffré et élection dans leur communiqué diffusé ce 26 septembre.
On prend acte de quelque chose quand on est grondé, sermonné, quand les propos de votre interlocuteur sont menaçants et signifient un ordre, n’est-ce pas ? Toujours est-il que d’après Marcus Schneider, représentant résident du FES, les raisons invoquées sont valables. Cela ne l’empêche pas d’affirmer avec le responsable de l’agence ATW Rija Ramamiarijery qui a exécuté le travail de sondage, qu’un tel sondage politique est important pour la culture politique citoyenne, pour la démocratie ; et cela aussi bien pour les candidats aux élections que pour les électeurs.
La mesure d’interdiction fait les choux gras des sociétés civiles en faveur de la défense de démocratie et de la liberté d’expression, tel le réseau ROHY car il n’y a aucune loi qui empêche les sondages « exceptés durant la campagne électorale ou référendaire officielle et pendant la période du silence électoral, la veille du jour de scrutin ; sommes-nous dans les périodes précitées ? », s’insurge un membre de ce réseau. Et puis il n’existe non plus de textes régissant la précampagne. La CENI a déclaré son impuissance devant les comportements des candidats qui profitent des lacunes des lois électorales. En effet le seul acte répréhensible en période précampagne selon la CENI est d’appeler les citoyens à voter pour lui.
La CENI ne veut pas être responsable...
En tout cas, avant la publication de ce sondage par ses initiateurs, des médias qui ont eu vent ont critiqué vertement les supposés résultats et leur commanditaire. Dans la foulée, le président de la CENI, Hery Rakotomanana a publiquement étalé ses réticences et celles de l’organe qu’il dirige. Un tel sondage constitue des risques de troubles dans la fébrilité qui règne aujourd’hui fait-il comprendre car Madagascar n’est pas l’Europe. Il ajoute que la CENI ne veut pas être accusée de partialité ou de corruption électorale quels que soient les résultats du sondage par rapport aux futurs résultats officiels du scrutin du 7 novembre.
De toutes les façons, le sondage et les explications et les critères retenus dans sa réalisation, les lieux et les catégories de personnes enquêtées, âge, sexe, profession, niveau d’études et penchant ou sympathie politique, demeureront inconnu du public et des électeurs. La revue Politika est toujours accessible car elle est publiée mais « délestée » (terme en vogue et dans le vent ces temps-ci) de quelques quinze pages relatives au sondage, qui ont été découpé aux ciseaux –4000 exemplaires. Si ce n’est donc pas de la censure, c’est quoi car c’est priver le public d’informations établies de manière scientifique et rationnelle. Les pages ou encarts blanches de journaux d’une époque qu’on pensait révolue reviennent à l’esprit quand certains articles de journalistes chevronnés comme le révérend Père Rémi Ralibera ont été retirés par les services du ministère de l’Intérieur. Précisons qu’à cette époque le journal doit attendre le « BAT » ou Bon à tirer de ce service avant impression. Aujourd’hui et dans le cas présent de la revue Politika, le magazine est déjà imprimé avec tout ce que cela comporte de dépenses, d’attentes et de désagréments.
Un sondage demeure un sondage
Un sondage n’est pas moins scientifique, pas moins crédible que l’enquête effectué par le reporter d’un journal ; et pourtant on y croit. Les résultats d’un sondage peuvent être confirmés par le cours des événements, ou infirmés. Mais c’est une opinion d’une portion issue d’un échantillonnage de la société, l’expression de quelques catégories de groupes d’individus ; c’est la liberté de penser qui s’exprime. A chacun des candidats et des électeurs et des gouvernants d’apprécier les résultats en scrutant les indicateurs et autres critères. La preuve : l’ancien président français a préféré ne pas se porter candidat après avoir bien réfléchi sur sa côte de popularité révélée par les sondages. Le candidat Donald Trump en son temps était loin de la popularité de la candidate Hillary Clinton d’après les sondages mais l’homme d’affaires a triomphé en ayant pris soin de bien lire les sondages et d’apporter des corrections dans sa campagne. Bref, la vérité des urnes n’est pas dans les sondages certes mais ils sont instructifs pour tous. En lisant les sondages aussi les électeurs sont en mesure de bien réfléchir, de bien faire et d’être consolidé dans leur choix avant et dans le secret de l’isoloir. C’est ce qu’on a compris des explications des responsables de la Fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung et de la revue Politika.