Nosy Be connu sous l’appellation l’île aux parfums, est une ville touristique réputée dans le monde, grâce à ses plages de sable blanc, ses fonds marins, sa faune et sa flore…Mais derrière cette image de carte postale se cache une toute autre réalité inquiétante : la violence et l’exploitation des mineurs. A ce sujet, un pool de 25 journalistes d’investigation a bénéficié d’une formation spécifique dispensée par l’Unicef.
357 cas de violence envers l’enfant signalés
D’après les chiffres émanant du Réseau de protection des enfants (RPE) à Nosy Be, 357 cas de violence à l’égard des enfants (négligence, abandon, proxénétisme, pédopornographie…) sont signalés, en 2017. Parmi les victimes, 243 sont des filles et le reste des garçons.
Le Centre Vonjy, créé pour prendre en charge des enfants victimes de violence, installé au Centre hospitalier de référence de district (CHRD) de Nosy Be, a traité 93 cas, depuis sa création en 2017.
L’on sait que 99% des cas de violence signalés sont infligés par les membres de la famille si les 1%, par des gens hors de la famille et des «vazaha».
D’après Mme Apolline, la seule juge des enfants, auprès du TPI de Nosy Be, «Depuis janvier, cinq cas de violence sur mineurs ont été traités, auprès de la juridiction pénale tandis que cinq autres en correctionnel. Aucun n’a été commis par un étranger».
Toutefois les exploitations sexuelles des enfants commises par des étrangers sont des faits réels sur l’île, mais ne sont pas signalées du fait que les auteurs font taire les parents des victimes en leur donnant une certaine somme d’argent. Des habitudes courantes, qui rendent la plus part des violences envers les enfants impunies dans cette localité.
Etre avec un étranger est un objectif de vie
Au cours des investigations menées sur l’Ile aux Parfums, il s‘est avéré que ce sont les parents eux-mêmes qui envoient leurs filles et fils dans ce sombre business immoral, à des fins financières.
En fait, l’objectif des parents n’est pas de voir leurs enfants instruits et diplômés, mais fréquenter un «vazaha». La majorité des jeunes, dès le plus jeune âge, est convaincue que le bonheur s’obtient en tissant des relations avec un étranger. Ce qui amène de nombreux jeunes des régions voisines (Ambilobe, Ambanja, Antsiranana I et II…) à quitter leur village pour vivre à Nosy Be dans le but de chercher leur «vazaha».
Kala, une fille de Sambava en quête d’un avenir avec un « vazaha »
C’est le cas d’une jeune fille dénommée Kala, originaire de Sambava et âgée seulement de 17 ans. Elle a quitté l’école à l’âge de 10 ans et est arrivée à Nosy Be à l’âge de 13 ans pour vivre avec sa tante à Dzamandzar.
A l’âge de 16 ans, elle a commencé à imiter ses copines du quartier, plus âgées qu’elle. Des jeunes filles qui avaient l’habitude, chaque soirée de fin de semaine, de sortir dans les discothèques, de faire le tour des boîtes de nuit et de fréquenter les bars.
D’après notre source, un véhicule arrive même à Dzamandzar chaque vendredi pour transporter les jeunes dont des mineurs, à destination d’Ambatolaoka, le quartier des discothèques les plus réputées de l’île, fréquenté par bon nombre d’étrangers de diverses nationalités. Et l’objectif n’est pas de papoter entre amis, mais d’espérer de tomber sur un «vazaha». Selon Kala, elles sont nombreuses à faire cela.
Les garçons mieux payés
Actuellement, les jeunes garçons commencent également à faire partie de ce «club» et ils valent plus chers que les filles, d’après les informations fournies. Ainsi, si les filles perçoivent 40.000 ariary par client, ce chiffre connait le triple chez les garçons.
Formation des journalistes, amis des enfants
Cette île compte 93.682 habitants, dont 55% de la population sont des mineurs, selon les statistiques de 2016. Et malgré tout, la majorité des gens néglige, voire ignore le droit de l’enfant. C’est dans ce cadre que l’Unicef Madagascar y a organisé, du 17 au 22 septembre dernier, une formation d’un pool de 25 journalistes d’investigation sur le thème de protection des enfants en ligne.
Cette formation a été sous la houlette de Mariam Gopaul, “consultante facilitatrice protection des enfants en ligne”, accompagnée d’intervenants de l’Autorité de régulation des technologies de communication (Artec), de la Police des mœurs et de la protection des mineurs (PMPM), du service de la Cybercriminalité sur les mineurs au niveau de la police, et du ministère de la Justice.
Le droit des enfants et la violence envers eux ont été passés au crible. La formation avait pour but de mobiliser les journalistes à s’imprégner de la notion de droit de l’enfant afin de mener une enquête sur les réalités de maltraitance sur place.
La violence sexuelle envers les enfants, accentuée par Facebook
Depuis 2017, Nosy Be est devenu la première ville numérique de Madagascar. 29 caméras de surveillance opérationnelles 24h sur 24h et connectées entre elles par wifi, ont été installées sur place, la plupart dans le centre ville.
Toutefois, des inconvénients ont été constatés. Tous les soirs, lorsque le wifi est ouvert, de nombreux jeunes, la plupart des mineurs, remplissent les coins des rues pour se connecter sur internet. Ce qui favorise l’exploitation des enfants.
D’ailleurs, d’après les informations recueillies, des hôtels rendent libre à tous l’accès à leur wifi, tous les soirs. C’est à cet instant que les prédateurs sexuels passent à l’action et cherchent leur proie dans l’objectif de tomber sur un mineur vulnérable parmi les dizaines qui se connectent sur wifi à l’extérieur de l’hôtel.
D’après une source auprès du bureau du fokontany de l’arrondissement de Dzamandzar, qui a demandé de garder l’anonymat, un groupe de mineurs a déjà fait l’objet d’un tournage de film pornographique réalisé par des étrangers à Nosy Be. Cette annonce a été appuyée par un responsable de l’Unicef Madagascar.
Sous cette optique, l’accès libre et sans contrôle à l’internet favorise la prostitution… chez les enfants.
Ainsi dans ce domaine, l’élaboration d’un projet de loi est l’un des défis qui attendent le futur président de la République. L’Unicef Madagascar a déjà envoyé une lettre y afférente à chaque candidat à la présidentielle 2018.
Les mineurs en possession de faux CIN
D’après les forces de l’ordre, au cours de leur contrôle auprès des discothèques ou des bars de nuit, les jeunes «mineurs» qui fréquentent ces lieux leur présentent des cartes d’identité. Alors que seuls les médecins peuvent déterminer l’âge exact de l’individu. C’est après que l’authenticité de sa Carte nationale d’identité est ensuite révélée. Il s’agit d’un faux.
D’où viennent alors ces fausses cartes d’identité ? Est-ce qu’il y aurait des responsables administratifs locaux derrière ce réseau ?