Il est difficile de ne pas chroniquer sur Le Sujet d’actualité qu’est la peste, tout comme sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara, il y a trente ans. Heureusement, Tom Andriamanoro nous propose également un thème moins lugubre, plutôt écolo, la notion de complexe touristique écolodge.
Burkina Faso – Au pays des citoyens balayeurs
15octobre 1987- 15 octobre 2017. Le temps passe vite. Trente ans déjà que Thomas Sankara est parti, et rien n’a changé dans sa maison familiale. Quelques objets personnels que pour rien au monde Blandine, sa mère, ne voudrait déplacer : des photos épinglées au mur, une bicyclette, deux guitares ramenées certainement d’Antsirabe, la ville des Mahaleo où le capitaine a fait sa formation d’officier (à l’Académie militaire). « Ils font partie de notre vie, d’autant plus que d’autres sont restés dehors ». Une allusion à Blaise Compaoré qui avait promis de passer et n’est jamais venu, « J’aurais pourtant aimé qu’on se dise les yeux dans les yeux si ce qu’on raconte est la vérité ou pas ». Des reliques bien modestes en mémoire du Président-musicien qui avait mis la culture avant toute chose.C’est lui qui avait repositionné le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), ressuscité les salles de Ouaga, créé des formations musicales dans toutes les tranches d’âge dont les « Petits chanteurs aux poings levés ». Le grand Blaise comme on l’appelle s’évertua à l’enterrer, une seconde fois, sous couvert de « Rectification de la Révolution », mais, apparemment, sans résultat. Sa traitrise a trop heurté l’esprit des « Hommes intègres » pour que ces derniers voient en lui un continuateur de l’œuvre de Sankara.Les héritiers idéologiques du capitaine, dont beaucoup ne l’ont même pas connu, ont grandi et ils ont créé, en 2013, le mouvement « Balai citoyen ». Pourquoi diable un pareil symbole qui, à la limite, pourrait prêter à dérision ?« Un balai, ça n’est jamais que quelques brindilles fragiles. Mais une fois nouées, elles deviennent un instrument efficace pour se débarrasser de toutes les ordures. Et Dieu sait s’il y en avait sous le régime Compaoré : dictature, impunité, corruption, fainéantise… »Ce sont ces « citoyens balayeurs », secondés par les femmes qui n’avaient pour toutes armes que leurs spatules, qui se sont soulevés en 2014 pour empêcher le Coup d’État constitutionnel de Blaise Compaoré : au pouvoir depuis déjà 27 ans, il voulait modifier la Loi fondamentale pour obtenir un nouveau mandat. Et comme il avait la majorité à l’Assemblée nationale, cela devait passer comme une lettre à la poste. C’était oublier les citoyens balayeurs qui, eux aussi, ont mis le cap sur l’Assemblée nationale. Un cortège interminable avançant au son de l’hymne national, les mains en l’air pour bien montrer qu’ils étaient désarmés. Personne ne s’arrêtait ni ne reculait, malgré les tirs en l’air à balles réelles de la garde présidentielle.
Le capitaine Thomas Sankara figure parmi les chefs d’État africains révolutionnaires.
La patrie ou la mortSankara était bien présent tel un commandant invisible, et sa prédiction était en train de se réaliser : « Tuez-moi et il naîtra des milliers de Thomas Sankara ». En voyant s’approcher cette déferlante que rien ne pouvait plus endiguer, de nombreux honorables parlementaires choisirent de déguerpir en escaladant les murs, et ce qui devait arriver arriva : l’incendie de l’hémicycle par la foule en colère. Ce jour-là, en mettant en échec un dictateur tout puissant avec leurs mains nues, les Burkinabés ont compris que ce qui sort de la volonté de l’homme, même les rêves les plus fous, était réalisable. Un de ces rêves qu’ils ont toujours caressés était d’amener la mer jusqu’au Burkina Faso en creusant tout ce qu’il faudra creuser. Ils n’ont pas eu les moyens de le faire, par contre ils ont construit des aérodromes et gagné la bataille du rail pour amener leurs ressources, notamment minières, jusqu’à cette mer qui manquait tant à leur pays enclavé.Après l’Assemblée nationale, les insurgés ont voulu « visiter » les superbes villas des dignitaires du régime, question pour tous ces laissés-pour-compte dont l’horizon immobilier se limitait à leur petit carré de tôle rouillée, de voir « comment ils vivaient ». Le plus célèbre de ces apparatchiks était le propre frère du Président, François Compaoré, qui s’est approprié jusqu’à la rue passant devant sa résidence. Les manifestants étaient d’abord muets de stupeur devant tant de fastes. Puis le pillage en règle a commencé, aucun carreau, aucune ampoule ne devant rester à sa place. Les lieux autrefois interdits tels quelque temples sacro-saints ont ensuite été ouverts au grand public, certainement pour servir de lieu de réflexion et de méditation…
Le journaliste de Jeune Afrique, Sennen Andriamirado, a interviewé le capitaine Thomas Sankara en 1986 à Paris.
Un des prochains épisodes de la tragédie de Thomas Sankara se jouera-t-il dans un autre pays, plus précisément en Côte d’Ivoire qui a offert l’asile et la nationalité à son bourreau ? Les écoutes téléphoniques ont prouvé qu’après la chute de Compaoré, des milieux influents ivoiriens travaillaient à son retour au pouvoir, dont le Président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro. C’était compter sans les révélations du général burkinabé Gilbert Diendéré, auteur d’un putsch raté proCompaoré en septembre 2015. Le général avait dévoilé que pour faire son coup, il avait reçu des fonds et du matériel en provenance directe de l’État-major d’Alassane Ouattara. Or les prochaines présidentielles ivoiriennes mettront probablement face à face ces deux dinosaures qui ont tous tenu un rôle obscur dans les affaires burkinabé. Une intrigue à suivre avec son lot de révélations gênantes, et où il sera exclu de se faire des cadeaux…
La réception de l’écolodge de la réserve de Vohimana, située dans le parc national d’Andasibe.
Environnement – Introduction à l’écolodge
L’écolodge est une infrastructure d’accueil obéissant à la philosophie et aux principes-clés de l’écotourisme. Il ne se limite pas au logement, mais offre aux touristes une éducation et des expériences participatives.
La phase de planification d’un écolodge est très importante. Plusieurs points ne sont pas à négliger, comme :-le choix de la région,-l’approche locale de la population et la prise en compte de son avis,-l’identification des critères de développement,-la coexistence entre les valeurs locales et internationales.Parmi les directives sur la construction proprement dite, il faut :-choisir un terrain qui a une bonne capacité d’absorption d’eau,-préférer un site offrant de nombreuses possibilités d’activités,-prioriser les ressources humaines locales,-tenir compte des habitudes des riverains, s’inspirer des formes, matériaux et techniques de l’endroit,-étudier les systèmes de gestion des déchets,-intégrer le logement du personnel dans la conception du plan de masse.
Sa gestion doit respecter l’environnement et prendre en considération plusieurs paramètres dont :-l’installation dans un milieu naturel isolé, riche en biodiversité,-une utilisation maximale des ressources locales,-une bonne table, qui permet aux clients de se regrouper à l’extérieur pour apprécier les soirées en milieu naturel,-une atmosphère conviviale et relaxante,-des facilités et services se rapprochant de la nature.En réunissant les points forts pris dans ces critères, on aboutirait à un écolodge modèle où l’on retrouverait quelque chose du Vakona d’Andasibe, du Relais de la Reine de l’Isalo, et du Relais du Masoala…
Source : Landscape Development Interventions
Épidémie – La peste, une histoire ancienne chez les autres
Pour bien situer les grandes épidémies en général, et la peste en particulier, le Moyen-âge est un repère incontournable. Un moment de civilisation décrié par les « humanistes » du siècle des Lumières, défendu au contraire par ceux qui y trouvent les fondements de la société occidentale moderne, depuis la floraison des universités à la nouvelle organisation des villes et la montée en puissance de la bourgeoisie commerçante. Il s’étend sur mille ans du Vè au XVe siècle de l’ère chrétienne. Le Moyen-âge n’est donc pas homogène, et on le divise généralement en trois parties : le Haut Moyen-âge (du Vè au VIIIè siècle), le Moyen-âge central (du IXe au XIIIe siècle), et le Bas Moyen-âge (XIVe et XVe siècles). Cette fin du Moyen-âge est traversée de crises graves, dont la Guerre de Cent Ans et les épidémies de peste, sans parler de la lèpre importée d’Orient durant le Haut Moyen-âge. Elle a durablement marqué les esprits et favorisé la création, par l’Église, de maladreries et de léproseries qui ne fermeront qu’en 1699.
En d’autres lieux, comme le montre ce tableau, peint en 1804 par Antoine-Jean Gros intitulé « Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa », la peste est une maladie des siècles passés.
EndémiqueMais la plus grande épidémie du Moyen-âge fut la « Peste noire » qui s’abattit sur l’Europe dans les années 1340, désorganisant totalement le tissu social. La « Peste noire » n’était pas, à proprement parler une nouvelle venue, puisqu’elle avait déjà frappé au VIè siècle. Mais il faut reconnaître que le bacille de la peste, découvert en 1894 par Yersin, a une action rapide et violente. Entre 1347 et 1352, la peste priva la France de 35% de sa population, un taux qui, dans certaines régions, est même monté jusqu’à 70%. Un peu partout il faudra attendre le XVIIe, voire le XVIIIe siècle, pour retrouver le niveau de population d’avant 1347.Après des accalmies, en général, la peste ne disparaît pas, mais reste endémique avec, de temps à autre, de violentes poussées. Ce fut le cas en 1628 et 1642 quand tout le royaume fut touché. Elle réapparut de 1720 à 1722 mais se cantonna à la Provence. Quelles sont les raisons pour lesquelles le royaume de France a pendant aussi longtemps été vulnérable aux grandes épidémies ? Les chercheurs en ont identifié un certain nombre :-la densité de la population dans les zones les plus exposées ;-la vitalité des échanges et la mobilité de la population ;-la confluence de plusieurs bassins épidémiques ;-le mode de vie et l’hygiène publique. Les eaux stagnantes, vectrices d’épidémie, sont fréquentes en ville, notamment à proximité des activités nécessitant une forte humidité et une macération ;-la production d’ordures et d’excréments qui s’entassent.Les éléments de cette liste suffisent à expliquer pourquoi une calamité, enterrée depuis des siècles dans certains pays, est restée d’une cruelle actualité dans d’autres.
Le matériel et l’habillement des agents de désinfection et de désinsectisation montrent que la peste reste un fléau du 21e siècle, à Madagascar.
Rétro pêle-mêle
Les Japonais et Madagascar. Selon des statistiques de 1999, les cinq destinations africaines préférées des Japonais sont l’Égypte, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Kenya, et la Tunisie. Pour sa part, Madagascar se situe en neuvième position. Parmi les Japonais qui connaissent le pays, on retiendra les journalistes de l’audiovisuel, les membres d’associations et de sociétés représentées à Madagascar, les hommes d’affaires, ainsi que les volontaires de l’Association Croix du Sud œuvrant dans le domaine agricole. Des universités comme le Kansai University envoient périodiquement des étudiants en « Expedition Club ».
Le saxophoniste de jazz japonais, Sadao Watanabe, un habitué de Madajazzcar.
Les Japonais peuvent prendre des vacances à trois moments de l’année : le Nouvel An, la Golden Week au début mai, et la période d’Obon en août. 90% des touristes japonais visitant Madagascar font le circuit Andasibe-Morondava-Taolagnaro. Cet itinéraire naturaliste est préféré à la plongée, au surfing, à la Route du Sud, et même à l’observation des baleines. Sur le plan culturel, Madagascar a déjà accueilli de grands noms comme ceux de Yutaka Fukuoa qui s’est produit avec la troupe Bakomanga, ou du saxophoniste Sadao Watanabe invité par Madajazzcar. On recense pas moins d’une quarantaine d’étudiants malgaches au Japon, et leur association est particulièrement active, organisant des manifestations de notoriété comme le « Madagascar Day » au Itabashi Sanban Hall de Tokyo.Le plus insolite attachement à Madagascar vient de cette famille qui, tous les ans, effectue un pèlerinage à Antsiranana en mémoire de quatre officiers de marine japonais morts dans les eaux malgaches durant la Deuxième guerre mondiale.
Lettres sans frontières
Jacques GodboutIn Salut Galarneau
Je veux « vécrire »
J’avais déjà rêvé, quand j’étais avec Maryse, de devenir le roi d’une chaîne de stands, pas seulement d’un autobus à frites sur le bord d’une route à l’île Perrot, mais d’avoir quinze, vingt autobus dans la province, un peu partout. C’est une question d’intelligence et d’organisation, pourquoi est-ce que je ne serais pas capable de faire marcher ça ? Je ne suis pas plus bête qu’un autre. J’ouvrirais une école, la première semaine, dans la cour, pour que tous mes concessionnaires sachent faire les mêmes bons hot dogs, les mêmes hamburgers juteux ; j’aurais des spéciaux, Texas style, avec des tomates et de la laitue, je n’aurais qu’à surveiller, circuler d’un stand à l’autre ; ça m’évitera de penser à Maryse, je ne verrais plus Jacques parce qu’il y a des limites à ne pas dépasser. Je pourrais même engager des Français comme cuisiniers, ils ont bonne réputation, je pense. C’est des drôles de gens, ils sont toujours pressés, faut que ça saute, ils sont faciles à insulter. Du monde nerveux ! ça doit être à cause de la guerre, ça devait être terrible, les bombardements, l’occupation, les tortures, la Gestapo.J’envisage un projet d’envergure nationale, non mais, c’est vrai ! Nous devons, nous Canadiens français, reconquérir notre pays par l’économie ; alors, pourquoi pas le commerce des hot dogs ? Je ne suis pas séparatiste, mais si je pouvais leur rentrer dans le corps aux Anglais, avec mes saucisses, ça me soulagerait d’autant.J’ai des visions comme ça, des tas de visions, des rêves qui se bousculent dans le grenier. Je sais bien que de deux choses l’une : ou tu vis, ou tu écris. Moi je veux « vécrire ». L’avantage, quand tu « vécris », c’est que c’est toi le patron, tu te mets en chômage quand ça te plaît, tu te réembauches, tu élimines les pensées tristes ou tu t’y complais, tu te laisses mourir de faim ou tu te payes de mots, mais c’est voulu. Les mots, de toute manière, valent plus que toutes les monnaies.Jacques peut bien garder ma femme, la bichonner, la dorloter, lui faire des enfants blonds, les élever, écrire pour la télévision, faire de l’argent, il ne sait pas ce que c’est qu’un cahier dans lequel on s’étale comme en tombant sur la glace, dans lequel on se roule comme sur du gazon frais planté.Ce midi dix-huit octobre, toutes les feuilles des arbres alentour sont tombées, et celles du salon aussi. Happy birthday ! Il faut naître un jour ou l’autre.
Textes : Tom AndriamanoroPhotos : L’Express de Madagascar - AFP