Sitôt adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, la proposition de loi sur le « Toaka gasy », ce fameux alcool de canne, rhum artisanal malgache, fait l’objet de nombreuses critiques, favorables ou non à sa légalisation, donc à la libération de sa production et commercialisation. Pour la plupart, l’avantage que les producteurs peuvent en tirer, économiquement parlant, est mis en avant. D’autant plus que le député d’Ikongo, Jean Brunelle Razafintsiandrofa qui a proposé cette loi l’a argumenté par cette valeur ajoutée que le produit pourrait apporter à l’économie nationale.
A la lumière de cette loi, l’« Ambodivoara », l’une des appellations les plus connues de ce rhum artisanal malgache pourrait devenir une marque de fabrique constituant le renom de Madagascar, au même titre que le « Dzama », qui, à ses débuts, serait également un rhum de fabrication artisanale très répandue dans la partie nord de Madagascar. Les vestiges de ces exploitations seraient encore visibles dans la ville de Nosy Be et d’Ambanja où les petits producteurs, illicites, pullulent.
La concurrence
En tout cas, la légalisation de la production et de la commercialisation de ce rhum artisanal signifie une ouverture à la concurrence, qui sera plus rude, d’abord sur le marché local et national, entre le « Toaka gasy » et les autres boissons alcoolisées de fabrication locale qui, avec une certaine longueur d’avance, est déjà partie à la conquête du marché international. Cette concurrence peut également s’établir avec les boissons alcoolisées importées comme la Vodka et les autres produits de la même famille.
Pour certains commerçants illicites de toaka gasy, cette légalisation de la production et de la commercialisation du « Toaka gasy » ne devrait pas changer grand-chose en termes pécuniaires. « Avec ou sans cette loi, nous avons toujours eu notre clientèle, des consommateurs avertis et fidèles », explique Johnny, un fabricant notoire du côté d’Ambohidratrimo. « La concurrence au niveau du marché national, avec les autres produits, n’est pas forcément évidents vu que chaque produit a ses propres consommateurs », indique-t-il.
La seule différence palpable avec le passé, si le texte est voté au niveau du Sénat, est qu’ « on pourra désormais travailler librement », s’exclame Johnny. De son côté, le député de Mananjary, Charlot Mamihaja, porte-parole de la commission du Commerce et de la consommation auprès de l’Assemblée nationale affirme que le but de cette loi est d’arrêter la persécution contre les producteurs et les transitaires de Toaka gasy.
Pas aussi libre que cela
Un ancien responsable auprès du service des contributions indirectes nous explique pourtant que le « Toaka gasy » en tant que rhum de fabrication artisanale « n’a jamais été interdit ». « Dans les années 2000, nous avons délivré des autorisations de fabrication du rhum local », rappelle ce fonctionnaire retraité. « La circulation de cette boisson était également garantie dans la mesure où les fabricants et les revendeurs respectent les normes requises par les dispositions en vigueur ». Ces dispositions indiquent entre autres que le fabricant dispose des locaux répondant aux normes sanitaires et scientifiques, une distillerie et un alcoomètre…Le fabricant doit également se soumettre au régime fiscal en vigueur.
Mais avec la corruption grandissante dans le pays, certains fabricants et revendeurs se contentent de collecter les produits un peu partout, faisant fi les règles en vigueur et des normes préétablies à respecter. Lors des contrôles, les forces de l’ordre constataient alors que les autorisations de fabrication, de transport et de vente de ce rhum local ne répondent finalement pas aux exigences des dispositions légales en vigueur. Mais surtout, la qualité et le taux d’alcool dans ces boissons laissent à désirer.
Avec cette loi disposant la légalisation de la production et de la commercialisation du « Toaka gasy », la teneur en alcool de ces boissons est exigée. Elle doit être inférieure à 44%. Les contrôles de toutes les étapes de fabrication sont également exigés sous peine d’une suspension d’activité allant jusqu’à 12 mois, assortie d’une amende. Il va également sans dire que les fabricants doivent se soumettre à certaines dispositions fiscales relatives à leur activité. Au final, cette légalisation, la production et la commercialisation ne devraient pas être si libres que cela puisse paraître.