Quel que soit le point de vue sur sa vision politique ou sa personnalité, le parcours d’Emmanuel Macron ne peut que forcer le respect. Malgré une carrière professionnelle plus qu’honorable, il est politiquement parti de « pas grand-chose » il y a un an. Mais peu à peu, il a gagné ses galons de présidentiable face aux « grands partis », avant de devenir Chef de son État par la voie des urnes à 39 ans. Exactement le même âge auquel Didier Ratsiraka avait obtenu les rênes de Madagascar par le vote du Directoire militaire en 1975, mais plus vieux de quatre ans qu’Andry Rajoelina après la réussite de son coup d’Etat de 2009. Toutefois, la comparaison entre Emmanuel Macron et les deux politiciens Malgaches cités s’arrête là.
On pourrait également être tenté par une analogie avec le parcours de Hery Rajaonarimampianina, celui de Chef d’Etat arrivé au pouvoir alors que personne n’aurait parié un kopeck sur lui six mois avant l’élection. Mais ce serait une recherche d’analogie tout à fait inappropriée : Emmanuel Macron est devenu Président après avoir livré une âpre bataille politique durant laquelle il a damé le pion à des favoris tels qu’Alain Juppé ou Manuel Valls. Quant à Hery Rajaonarimampianina, il est devenu Président par hasard, car il n’aurait jamais été élu sans le retrait forcé, puis le soutien de Rajoelina. Autre analogie un peu plus légère, l’ego de ces trois personnalités leur a inspiré l’inclusion de leur(s) initiale(s) dans le nom de leur mouvement : le H de Hery dans HVM, les EM de Macron dans En Marche, et les AR de Rajoelina dans MAPAR.
Source photo : Gouvernement françaisEmmanuel Macron a réalisé un exploit, et rappelle un peu Nicolas Sarkozy. Tous deux snobés, ou pour le moins brimés dans leur camp politique d’origine, ils ont décidé de partir à la conquête du pouvoir contre le système, en faisant montre de talent et de leadership pour prendre le contrôle de son parti politique (UMP) pour Sarkozy, ou en créant son propre mouvement (En Marche) pour Macron. Pour moi, cela est le premier volet de la politique au sens noble : arriver au pouvoir « à la loyale », en arrivant à convaincre les électeurs par la force des arguments, et non par l’argument de la force comme un vulgaire DJ mal élevé.
Le second volet de la politique au sens noble est la pratique du pouvoir, à la fois dans le respect de l’état de Droit, et dans l’objectif de servir le peuple. Et sur ce plan, Emmanuel Macron a un parcours du combattant qui va se dérouler devant lui dès les législatives de juin 2017. L’attendent pêle-mêle : la conquête de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale face à des partis traditionnels mieux structurés et plus expérimentés, afin d’éviter une cohabitation dès le début du quinquennat ; la consolidation de son mouvement En Marche afin de dépasser le côté de patchwork disparate mariant les carpes et les lapins ; la conquête d’un rôle géopolitique face à de fortes personnalités telles qu’Angela Merkel, Vladimir Poutine ou Donald Trump ; et la nécessité de donner très rapidement des réponses concrètes pour gagner la confiance de ceux qui ont été tentés par les extrêmes, aussi bien à gauche qu’à droite.
Si j’avais été électeur français, ce que je ne suis pas (contrairement à ce que certains Sherlock Holmes de forum se sont amusés à affirmer) [1], je n’aurais sans doute pas voté Macron. Mais je suis plus que fan du système élitiste qui veut que les places de responsabilité soient attribuées à ceux qui ont une formation académique appropriée. Je suis donc très admiratif du profil de formation d’Emmanuel Macron : mention très bien au baccalauréat scientifique, DEA de philosophie, Sciences Po, et sorti parmi les 15 meilleurs de sa promotion (« la botte ») à l’Ecole nationale d’administration (ENA). [2]
Pendant plusieurs semaines, les Malgaches (même non bi-nationaux) se sont enthousiasmés pour la présidentielle française, qui n’avait pourtant aucune chance de résoudre leurs problèmes d’insécurité, de corruption, d’inflation ou de délestage. Mais cet enthousiasme est sans doute le reflet d’une envie de vivre une démocratie réelle, et dont la transparence, l’équité et la fiabilité des élections rendent leurs résultats respectables. Ce qui permet aux Malgaches par comparaison de mesurer le niveau médiocre de la situation de la démocratie et des standards électoraux chez eux.
L’érection de Macron dans le monde politique fait fantasmer les Malgaches, et pas seulement celles de genre féminin. [3] Certains rêvent à présent de voir émerger un « Macron de Madagascar », qui arriverait à s’imposer de la même manière dans le paysage politique face aux dinosaures et aux vautours. Mais ce serait une utopie. Les systèmes politiques français et étatsunien permettent à un Macron, à un Obama ou à un Trump de se révéler, pour un certain nombre de raisons qui permettent le débat et la compétition équitable. A Madagascar, la corruption sera toujours le facteur déterminant, à coups de felaka pour les journalistes, de distribution de seza pour les politiciens, de retours d’ascenceurs pour les trafiquants de bois de rose, ou de T-Shirt et concerts pour les électeurs. A Madagascar, quelqu’un jugé comme rival dangereux comme Macron aurait déjà reçu quelques contrôles fiscaux, si ce n’est une accusation de bombinettes artisanales.